Interview de Hicham AJJANI – Arbitre

Publié le 13/04/2021

Hicham Ajjani : «Dans la mentalité des gens, on décrit l’arbitre comme celui qui va empêcher le monde de tourner, c’est le méchant, si on perd c’est à cause de lui.»

Arbitre depuis plus de 20 ans, signe d’une véritable passion pour l’arbitrage, Hicham redescend tous les week-ends de Paris pour arbitrer sur nos terrains de la LMF. Dans cette interview, vous découvrirez que prêter ses crampons à un arbitre ne vous octroie pas le collier d’immunité.

Bonjour Hicham, présentez-vous et comment vous est venu la passion de l’arbitrage ?
Je suis arbitre depuis 1999 au DGV mais j’officie sur les terrains de Ligue. Suite à une blessure, j’ai été forcé de stopper ma carrière de footballeur, courir n’était pas un problème mais taper dans un ballon était devenu impossible.
Un dimanche j’ai accompagné mes collègues pour un match et l’arbitre ne s’était pas déplacé. J’ai arbitré le match pour dépanner, cela m’a plu, et j’ai donc suivi une formation à Orange tous les lundis soirs après le lycée.

Comment jugez-vous vos débuts en tant qu’arbitre ? Être un ancien joueur est un
avantage ?
J’ai eu des débuts compliqués. À l’époque, on était pas aussi bien accompagné qu’aujourd’hui. Tu avais ton théorique, on t’envoyait sur un match et en cas de problème sur une situation inconnue, tu te retrouvais seul. Mais dorénavant l’encadrement est plus développé, ce sont des choses qui ne se reproduisent plus aujourd’hui. Depuis, je me suis fais des amis et quand je redescends c’est un véritable plaisir d’arbitrer avec eux.
Je suis devenu arbitre par hasard, parce qu’à choisir je préférais jouer que arbitrer. Dans la mentalité des gens, on décrit l’arbitre comme celui qui va empêcher le monde de tourner, c’est le méchant, si on perd c’est à cause de lui. On le voit à la TV – les joueurs, les commentateurs, les coachs – le responsable c’est toujours l’arbitre.
Mon passif de joueur, me permet de détecter des fautes que certains n’arriveront pas à détecter. Tu as plus facilement de l’empathie car il t’est plus aisé de te mettre à la place des joueurs. Nous ne sommes pas là pour faire de la psychologie mais cette expérience m’a aidé à prendre ce recul que je n’aurai pas pu prendre si je n’avais pas été joueur.

Avec votre expérience, quels-sont pour vous les critères pour devenir un bon arbitre de football ?
Un arbitre est un sportif, juste par respect pour les équipes qui s’entraînent 2 fois par semaine, nous devons entretenir notre forme physique. Ensuite, il faut être irréprochable dans la connaissance des Lois du jeu. Le côté relationnel joue beaucoup, on va rencontrer des personnes de milieux différents. Nous ne sommes ni éducateur ni psychologue mais c’est à nous de trouver un juste milieu pour manager ces équipes. Un arbitre doit savoir se remettre en question, il faut avoir une réelle capacité d’adaptation. Toutes les personnes sont différentes, nous ne sommes pas des robots et bien arbitrer ne consiste pas à appliquer une même recette à chaque match, bien au contraire.

 

« Pour être respecté, il faut être respectable et pour cela, il faut considérer le travail des joueurs et des éducateurs. »

En 20 ans de carrière, est-ce que vous avez un souvenir marquant, une anecdote ?
Lors d’un Quart de finale de Coupe Rhône Durance, entre le petit poucet et le grand club. J’étais un peu stressé avant le match, la touche était faite par mon ancien formateur. Je nettoie mes affaires, j’arrive au stade et manque de chance je m’aperçois que j’avais oublié mes crampons. Un peu paniqué et stressé, je me fais gentiment prêter une paire de crampon par une des 2 équipes.
Lors de la rencontre, un joueur disjoncte et je le sanctionne d’un carton blanc, puis un jaune et enfin un rouge. Dans les faits, les cartons étaient sans nuls doutes mérités. À la fin du match, pour la première fois, nous – le corps arbitral – avons reçu une haie d’honneur. Les équipes et le public s’étaient mis d’un côté et de l’autre et nous avaient applaudi. C’était une véritable fierté, qui fait état de notre bon match.
Ensuite, le joueur exclu est venu toquer à la porte de notre vestiaire afin de me présenter ses excuses pour son comportement. Après les avoir accepté, il m’a demandé « et maintenant, est-ce que je peux récupérer mes chaussures ? ». Je me suis senti un peu mal, mais dorénavant à chaque fois que l’on se croise, il y a ce respect là, on échange et il m’apprécie. Il a compris que j’étais dans ma fonction d’arbitre et malgré le fait que j’avais ses chaussures au pied je ne lui ai pas fait de cadeau *rires*. Le côté humain prime, ce sont des liens que tu crées avec des joueurs et des entraîneurs malgré cette tunique d’arbitre.

Ces liens peuvent être parfois tumultueux, comment vous arrivez à surmonter ces difficultés ?
Dans ces moments, si t’es pas soutenu par ta famille et tes amis, c’est dur de remonter la pente. Desfois tu tombes sur des malades qui t’attendent sur un parking, mais nous sommes des passionnés donc on surmonte ces évènements. J’ai eu des moments très bas où je pensais arrêter parce que les efforts accomplis était très important.

Lorsque je finissais mon match à 17h, il fallait chercher la gare la plus proche pour remonter à Paris, et j’arrivais chez moi à minuit – 1h du matin. C’est un investissement supplémentaire et quand cela se passe mal, tu remets en question ton activité.

Qu’est-ce que vous a apporté l’arbitrage ?
J’étais réservé et l’arbitrage m’a permis de gommer cette particularité, et me permettre d’aller davantage vers les autres. Dans ma vie professionnelle, je fais du management de personnes, et mon expérience d’arbitre m’a considérablement aidé.

Quelles sont vos recommandations pour améliorer l’image des arbitres au niveau
amateur ?
Il existe pour certains un manque de sérieux, le minimum pour un arbitre est d’être présentable par sa tenue vestimentaire, son attitude. Pour être respecté, il faut être respectable et pour cela il faut considérer le travail des joueurs et des éducateurs.
Ce qui est important c’est le lien que l’on crée entre passionnés du football, je suis membre actif de l’UNAF. C’est l’amical des arbitres, une association qui aide les arbitres en difficultés, qui organise des évènements pour les adhérents, afin de maintenir cette attache entre nous.

Qu’est-ce que l’on peut vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?
Prendre un maximum de plaisir, puis il faudra que je laisse la place aux jeunes. Je prends ce qu’on me donne et je profite de chacun de mes matchs. Enfin, si on a besoin de mon expérience pour transmettre ce qu’on m’a appris, ce sera avec grand plaisir. Des bénévoles m’ont donné sans rien attendre en retour, et c’est ce que je ferai si des arbitres en ont besoin.

Merci à Hicham de nous avoir accordé cette interview, l’ensemble du DISTRICT GRAND VAUCLUSE est extrêmement reconnaissant des efforts qu’il consent pour arbitrer sur nos terrains.

Par Hakim Salih

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