– Interview croisée Konstantin Livanos dit « Tintin » (père) et Brice Livanos (fils), éducateurs au SC COURTHEZON –

Publié le 15/07/2021

Konstantin Livanos : « […] les parents croient avoir des vedettes. Lors d’un stage chez Guy ROUX, j’ai appris que dans chaque catégorie il faut une équipe de chaque niveau (honneur, pré-excellence, excellence). Sur 150 petits qu’ils prennent, un faible pourcentage réussi, des ZIDANE on en fait 1, pas 50. Il faut que les parents en prennent conscience. »

A la découverte d’un père et son fils, unis par la même passion du ballon rond, tous deux éducateurs au SC COURTHEZON. Retour sur la carrière de Konstantin Livanos surnommé « Tintin » et zoom sur les ambitions de son fils, Brice, jeune éducateur d’une équipe féminine très prometteuse.

Bonjour, présentez-vous-en quelques mots s’il-vous-plaît ?

Tintin: Tout le monde m’appelle Tintin, mon premier club a été l’ESPERANCE SORGUAISE puis je suis parti à MONTFAVET où je suis resté 15 ans. Désormais, je suis au club de COURTHEZON, et cela fait presque 20 années que nous y sommes. Avant d’avoir des féminines j’ai encadré quasiment toutes les catégories. Actuellement, j’entraîne les U8, et avec mon fils nous dirigeons les U15 et les U18 féminines.

Brice : Je suis un enfant du club de COURTHEZON, puis je me suis fait recruter par les U15 Ligue du PONTET. Ensuite, j’ai pris la direction de CADEROUSSE pour faire l’école des gardiens.

Tintin : Mais comme il était petit, lorsqu’il est arrivé dans les grandes cages Brice se plaignait tout le temps « les buts sont trop grands » « je n’arrive pas à attraper les ballons » (rires).

Brice : J’ai vécu d’excellents moments, avec un tournoi à PARIS. À l’époque, on faisait des tournois dans toute l’EUROPE, c’est quelque chose d’inimaginable en ce moment.

La passion de votre père pour le football a eu un impact dans votre choix de vous investir dans le football ?

Brice : Oui, depuis tout petit il me baigne dans le football, je dirige désormais une équipe féminine grâce à lui qui m’a fait découvrir cette catégorie. C’est un plaisir d’apprendre mais aussi de partager ses connaissances.

Au-delà de l’aspect sportif, le football t’inculque des valeurs, du respect et c’est pour ces raisons que tous les jours je continue dans cette voie-là.

Tintin, vous êtes connu pour avoir été l’instigateur des équipes féminines, racontez-nous.

Presque 8 ans auparavant, à COURTHEZON il n’y avait pas de féminine, mais une personne encadrait 6 joueuses et cela m’a donné de l’élan pour m’investir en allant recruter d’autres filles et les motiver à venir jouer au football. Le club m’a fait confiance, et a vu juste, les féminines sont l’avenir du football. Certaines jouent désormais au niveau ligue.

Il existe des clubs structurés qui jouent pour la compétition, et nous envoyons volontiers nos filles là-bas, mais si c’est pour qu’elles ne jouent jamais, vaut mieux qu’elles restent avec nous.

Vous suivez de près vos joueuses qui partent dans d’autres clubs ?

Évidemment, dès qu’une joueuse du club part, on va voir ses matchs. À ce sujet, 3 de nos joueuses sont allées jusqu’à AVIGNON, MARSEILLE, NÎMES tellement elles avaient du talent.

AVIGNON a une éducatrice formidable, Laurie SAULNIER. Je l’ai vu à l’œuvre, c’est une personne très compétente. Mais lorsqu’il y a des bonnes joueuses, au lieu de les garder, je suis d’avis à les envoyer dans des centres de formation (LYON, MARSEILLE). Certains me trouvent un peu fou et rêveur, mais dans la vie il faut rêver, c’est par ce biais que l’on arrive à faire de grandes choses. Si elles n’avaient pas réussi, tant pis, elles reviennent à AVIGNON mais au moins elles auraient eu leur chance.

Comment arrivez-vous à gérer les parents qui ne comprennent pas les limites de leurs enfants ?

Brice : la communication, il faut être clair dès le début en leur indiquant que certaines vont être plus limitées, où l’aspect plaisir devra primer sur la compétition. On part du principe que la compétition est secondaire, le plaisir passe avant, surtout à cet âge. À partir des U18, ça commence vraiment à devenir sérieux où l’on applique tout ce qu’on a appris précédemment.

Tintin : les parents croient qu’ils ont des vedettes. Lors d’un stage chez Guy ROUX, j’ai appris que dans chaque catégorie il faut au moins une équipe de chaque niveau (honneur, pré- excellence, excellence). Sur 150 petits qu’ils prennent, un faible pourcentage réussi, des ZIDANE on en fait 1, pas 50. Il faut que les parents en prennent conscience.

Il existe des clubs compétitifs comme MONTEUX ou AVIGNON, nous à COURTHEZON on a un groupe hétérogène avec des joueuses compétitrices et d’autres qui s’amusent. On parle d’AVIGNON parce qu’on est allé les voir et c’est la référence, le niveau est exceptionnel avec la Bertille en attaque, c’est une petite phénomène celle-là.

Avec Stéphanie MACCHIARELLA, on parlait d’un manque de pédagogie de certains éducateurs, vous en pensez quoi ?

Brice : sur un match de championnat où un arbitre n’était pas disponible, mon père a arbitré et a sifflé un penalty. À ce moment-là, l’entraîneur adverse a insulté tout le monde dont ses joueuses. Qu’on soit dans un esprit compétitif ou juste pour s’amuser, il faut que le respect soit omniprésent.

Tintin : Le pire dans cette histoire, c’est qu’il parle mal à ses joueuses au lieu de les encourager, elles sont justes là pour jouer au ballon, ce sont des comportements qui m’exaspèrent.

Ce type de comportement est commun envers les arbitres, comment vous l’expliquez ?

À chaque match, l’arbitre reçoit toutes les insultes qui existent, mais quand vous demandez à ces gens de prendre le sifflet, ils n’en veulent pas. Je plains sincèrement tous les arbitres pour ce qu’ils peuvent subir.

Dans les années 1990-2000, avec Patrick SANZ, lors d’un match à ORANGE, suite à un tirage au sort je dois arbitrer. Pendant le match je siffle un penalty pour ORANGE. À la M-T, l’éducateur d’ORANGE me fait des éloges sur mon arbitrage, puis arrive la 2nd M-T où je siffle un penalty pour MONTFAVET. À ce moment-là, je me fais insulter de toute part « on va te faire la peau ». Manque de chance, autre penalty pour MONTFAVET, et ça recommence, les mêmes insultes. À la fin du match, Patrick me dit « on va morfler », nous sommes restés enfermer dans les vestiaires. On s’en est sortie mais cette histoire vous montre la connerie des gens, si vous critiquez autant les arbitres, prenez le sifflet et arbitrez.

Je tiens à souligner que désormais, il n’y a que des très bons éducateurs à ORANGE, c’est une histoire qui date d’il y a 20 ans.

Qu’est-ce qui vous différencie actuellement en tant qu’éducateur ?

Brice : Je suis quelqu’un de très compétiteur, je joue pour la gagne. Si nous ne finissons pas dans les meilleurs d’un tournoi je serai très déçu.

Tintin : À l’inverse, cela m’est égal que l’on termine 1e ou 10e d’un tournoi. Avant, j’étais dans le même état d’esprit que mon fils, quitte à ne plus en voir le jeu.

« Tu auras plus de victoires avec du respect qu’avec ce type de comportement, on peut comparer une équipe de jeunes à des chevaux de course si tu commences à les maltraiter ils vont se retenir, par contre si tu trouves les bons mots ils vont performer. »

Comment définiriez-vous un bon éducateur ?

Brice : Tout dépend de la catégorie parce qu’il n’y aura pas les mêmes attentes selon l’âge des joueurs. On visera l’apprentissage et le plaisir pour une équipe de petits alors qu’on sera focalisé sur la victoire avec une équipe de R1.

Il faut savoir parler avec ses joueurs, faire abstraction de tout ce qui se passe autour du terrain (parents, public). Ce n’est pas facile pour les joueuses, on le voit nous avec nos U15 où les parents sont très communicatifs et faut qu’elles comprennent que sur le terrain les personnes diplômées sont ses éducateurs, pas ses parents.

Tintin : Mon fils a raison à 80 %, mais j’estime qu’il existe des éducateurs diplômés incompétents. Un bon éducateur doit aimer les enfants, les laisser jouer et les encourager. Plus que pédagogue, un bon coach est avant tout psychologue avec ses joueurs.

 

Anecdote à ce sujet, j’ai le souvenir du comportement d’un éducateur d’une équipe de pupilles, qui les avait mis dans un coin suite à une défaite et les avait pourris. Mais tu auras plus de victoires avec du respect qu’avec ce type de comportement, on peut comparer les équipes de jeunes à des chevaux de course, si tu commences à les maltraiter ils vont se retenir, par contre si tu trouves les bons mots ils vont performer.

Est-ce que vous avez un souvenir marquant avec votre équipe U15 Brice ?

Le meilleur souvenir a été le 1er tournoi du début d’année à LAPALUD où l’on a tout eu : état d’esprit, solidarité, entraide. On est frustré parce que la crise sanitaire nous a coupé dans notre élan.

– À propos de ce tournoi, Ambre une joueuse prometteuse du SC COURTHEZON nous raconte son souvenir : « en demi-finale du tournoi, le score est à égalité et sur un corner je reprends le ballon d’une demi-volée. Un but qui nous qualifie pour la finale du tournoi. » –

Tintin : si Ambre me demande de partir ailleurs je la laisserai volontiers s’en aller, mais il faut qu’elle joue. Malheureusement certaines restent sur le carreau, il faut savoir partir dans le bon timing pour être certain d’avoir du temps de jeu. On espère qu’une de nos joueuses partira et évoluera dans un gros club.

Tintin, quel est votre meilleur souvenir en tant qu’éducateur du SC COURTHEZON ?

J’ai un très bon souvenir qui me vient en tête. Lors de la finale de Coupe RHONE DURANCE, Kader s’était blessé. Comme j’étais boucher à cette époque, pour soulager la douleur, je lui avais mis une escalope de veau sur le pied (rires).

Vous savez, j’adore les enfants, j’adore les joueuses, j’adore le terrain, j’adore les gens qui s’occupent du football et pas les aboyeurs qui sont autour du stade et qui donnent des leçons aux joueurs, aux éducateurs et aux arbitres.

Ici nous avons d’excellentes équipes avec un très bon staff. David BAYO qui s’occupe des jeunes, Gilles FOURNEL qui s’occupe du football à 11, Jerome METAY qui est un homme à tout faire.

Avez-vous des personnalités que vous appréciez dans le monde professionnel ?

Loulou NICOLLIN, parce qu’il n’avait pas sa langue dans sa poche. Et le second, même si je suis marseillais, c’est Jean-Michel AULAS, parce qu’il a fait une équipe féminine, il a créé l’un des meilleurs centres de formation du monde et il a son stade, c’est le meilleur.

Avez-vous un dernier mot à ajouter ?

Une grosse pensée à un petit du club, un jeune garçon de 10 ans qui mène un dur combat contre le cancer depuis 2 ans. Il a attrapé cette saloperie à 8 ans, c’est une période très difficile et on pense fort à lui. Alors on part sur la lune, on fait des robots mais on n’est toujours pas capable de soigner le cancer. Nous sommes tous de tout cœur avec ce petit bonhomme.

 

Merci à Tintin et Brice de nous avoir partagés leurs expériences, toutes nos pensées vont évidemment vers ce petit homme très courageux.

Par Hakim Salih

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