– Interview de Stéphanie Macchiarella, éducatrice et joueuse à SP C ALTHEN DES PALUDS–
Publié le 24/06/2021
Stéphanie Macchiarella : « Ce qui me dérangeait et me dérange encore aujourd’hui c’est le grand manque de pédagogie […] Même pire, des éducateurs deviennent agressifs avec leurs joueurs alors que ce ne sont que des enfants qui jouent au football. »
Joueuse et éducatrice depuis 5 années, Stéphanie ne se définit pas comme une simple tacticienne mais une véritable éducatrice qui a vocation à faire grandir ses joueuses sur tous les plans. Une interview très instructive sur la construction d’un collectif fondé sur le respect et l’ouverture d’esprit.
Bonjour Stéphanie, pouvez-vous nous présenter votre parcours en tant qu’éducatrice ?
En 2016 j’ai intégré le monde du football et en 2017, j’ai obtenu mon BPJEPS activité physique pour tous. J’ai fait 2 ans à ST SATURNIN en équipe à 8 et en équipe à 11, ensuite l’équipe féminine s’est dissoute et j’ai suivi les filles en faisant 1 année à BARBENTANE.
Nous étions un petit groupe soudé avec l’ambition d’avoir notre propre équipe, jusqu’au jour où une amie m’a parlé que SP C ALTHEN DES PALUDS voulait créer une équipe féminine. Le Directeur sportif m’a contacté et on a créé une équipe féminine en 2019.
C’est une équipe qui s’est créée à partir d’un collectif de joueuses, et malheureusement on a été coupé dans notre élan à cause du COVID.
Malgré les conséquences du COVID-19 sur la pratique du football, avez-vous eu le temps de travailler avec votre effectif ?
Oui, nous avons effectué le travail du départ, c’est-à -dire, inculquer des valeurs, du respect, du fair- play et des bons rapports avec les joueuses.
Je viens du monde de la boxe et j’ai absolument voulu ramener les principes qu’on retrouve dans mon sport. Ensuite, pour entretenir le lien, nous avons mis en place des visioconférences et l’on est reparti sur la saison 2020/2021. Excellent départ avec un groupe qui s’est renforcé, nous sommes 18 désormais.
Je suis très impliquée dans le projet et j’ai réussi à récupérer des joueuses qui ne trouvaient plus la passion et le plaisir dans leurs anciens clubs. Ce sont des clubs où la compétition prédomine sur l’aspect humain.
Avant le football, avez-vous eu des expériences similaires ?
J’ai fait plusieurs sports : tennis, boxe, équitation. Le football m’a permis de rencontrer le sport collectif avec ses complications et ses complexités. Il y a tellement de profil différent, je ne veux pas dénaturaliser les personnes mais essayer de créer une unité, un langage unique entre nous. Il faut trouver un équilibre pour que tout le monde soit à l’aise. Et surtout, que des bonnes joueuses prennent du temps pour les autres. Leurs évolutions vont les aider à terme et elles seront là pour elles lorsqu’elles auront un coup de moins bien.
Selon vous, est-ce que n’importe qui peut devenir éducateur ?
Non, ce n’est pas tout le monde qui peut réussir à instaurer des principes, à encadrer une équipe, tout en conciliant la compétition et le simple plaisir de jouer. Quotidiennement, je recherche un équilibre entre tous ces ingrédients.
J’ai déjà dû écarter des personnes parce qu’elles n’apportaient ni pour elle ni pour les autres, il faut protéger le groupe. L’essentiel, c’est le collectif.
Vous êtes arrivée que récemment dans le monde du football, d’un point de vue extérieur, quel est votre ressenti sur l’évolution du football féminin ? Et pourquoi n’avoir intégré que tardivement le monde du football ?
Le football féminin prend de plus en plus de place, les équipes se renforcent ce qui permet une meilleure compétitivité et un grand nombre de personnes viennent à regarder ces rencontres.
J’ai mis du temps à intégrer le monde du football. Ce qui me dérangeait et me dérange encore aujourd’hui c’est le grand manque de pédagogie. On est beaucoup trop sur la compétition quitte à laisser de côté des joueurs moins compétents qui ont tout autant leur place que les autres. Même pire, des éducateurs deviennent agressifs alors que ce ne sont que des enfants qui jouent au football.
On arrive plus facilement à des résultats via des chemins plus pédagogiques, je dis à mes joueuses
« Je veux toujours qu’on progresse, mais chacun à son rythme. ». Dès qu’on a les fondements moraux précédemment instaurés, les résultats sportifs viennent d’eux-mêmes.

« J’ai le projet d’organiser un tournoi handisport, pour instaurer des liens avec des associations qui œuvrent dans ce domaine et d’inclure ces activités dans le programme de mes joueuses. »
En tant qu’éducatrice, qu’est-ce qui vous réjouit le plus ?
D’avoir un bon groupe et que malgré ce qui s’est passé je n’ai pas eu de pertes dans mon effectif, nous sommes dans l’évolution grâce aux joueuses plus compétentes qui prennent le temps de s’occuper des moins performantes.
Je suis très fière, mais j’aspire à devenir plus qu’une simple éducatrice. Si je pouvais changer le monde, je le ferais (rires). Mon objectif est de faire grandir mes joueuses et pas uniquement sur le plan footballistique, je me dois de leur apporter sur tous les aspects. Il faut qu’elles soient bien dans leur corps et dans leur tête.
Avez-vous eu des désillusions depuis ces 5 années de carrière ?
J’avais des a priori, des échos négatifs au sujet du football mais finalement mon expérience est pleinement positive. Mon groupe adhère aux principes de respect, de fair-play et si une joueuse n’y adhère pas, elle n’a rien à faire donc ce collectif. Il existe d’autres endroits où l’on ne fait pas attention à toi, et où l’on est focalisé que sur la compétition. Ce n’est pas la philosophie de mon club, au contraire.
Il faut du respect entre joueurs et dans la relation joueur – entraîneur, lorsque tu as une communication sincère tout se passe parfaitement bien. Malheureusement, ce n’est pas le cas partout.
Pour l’après COVID et le retour des compétitions, quels sont vos objectifs avec votre groupe de joueuses ?
On souhaite continuer sur notre lancée, de faire une entente avec un club à proximité pour s’unir et aider au développement du football féminin. J’ai le projet d’organiser un tournoi handisport, pour instaurer des liens avec des associations qui œuvrent dans ce domaine et d’inclure dans le programme de mes joueuses, ces activités.
De surcroît, on a l’ambition de développer l’intergénérationnel, ce qui coïncide parfaitement avec notre idéologie : ouverture d’esprit, respect et sauvegarde des valeurs essentielles. Comme vous le voyez, j’ai énormément de projet, et je tiens à remercier mon club pour leur confiance.
Merci à Stéphanie pour cette interview, l’ensemble du DISTRICT GRAND VAUCLUSE apporte tout son soutien dans l’élaboration de ses projets qui mettent en lumière les vraies valeurs du football.
